Grâce à une pirouette juridique, l’Élysée espère avantager les véhicules européens sans se mettre en défaut des règles de l'OMC sur le protectionnisme.

Dans un discours prononcé le 11 mai à l'Elysée et portant principalement sur les initiatives du gouvernement pour réindustrialiser le pays, Emmanuel Macron a annoncé son souhait de réformer le mode d'attribution du bonus écologique. En l'accordant sur la base du mode de production plus ou moins décarboné, le gouvernement espère ainsi favoriser la filière automobile française.

Les annonces de Macron

Au milieu d'annonces portant notamment sur la taxation carbone des filières du textile et de l'alimentation, le président de la République a tenu à revenir sur le mode d'octroi du bonus écologique à l'achat de véhicules propres.

Jusqu'alors, ce bonus consistait en une aide financière à l'achat dont pouvaient bénéficier les particuliers qui acquéraient un véhicule n'émettant pas de CO². Cette aide, dont le montant peut atteindre les 6 000 euros, est notamment critiquée par la filière automobile française, dont les représentants estiment qu'elle bénéficie avant tout aux véhicules produits à l'étranger. Et s'il a souligné l'importance de mesures écologiques, le président ne s'en est pas caché : l'objectif du changement de mode d'attribution, c'est avant tout de soutenir les entreprises françaises et européennes, pour développer la réindustrialisation et la souveraineté du continent qu'il appelle de ses vœux depuis des mois maintenant.

Un exemple récent a montré que des mesures voulues comme écologiques, si mal préparées, pouvaient se révéler inefficaces et contre-productives. Une récente loi visant à faciliter et encourager l'installation de panneaux solaires sur le territoire grâce à l'octroi de crédits d'impôt, a ainsi presque exclusivement profité à des entreprises chinoises.

Voitures © © shutterstock
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Réindustrialiser la France et l'Europe

La réindustrialisation, donc, qui est devenue la marotte du président depuis plusieurs mois, est l'objectif principal de ce bonus écologique, qui, dans sa nouvelle formule, devrait prendre en compte les gaz à effet de serre rejetés pendant la production du véhicule. Et de ce point de vue, les voitures produites en France, dont le mix énergétique basé sur le nucléaire est bien moins polluant que celui de ses concurrents, devraient largement profiter du changement. La mesure, bien que clairement vendue comme un moyen de soutenir l'industrie française, devrait donc permettre de contourner les règles de libre-échange imposées par l'Union européenne, l'OMC, ou la théorie néolibérale en général.

Il faut bien reconnaître que, de ce point de vue, il ne s'agit que d'un juste retour des choses, puisque comme l'a souligné Macron pendant son discours, les véhicules américains et surtout chinois qui pouvaient bénéficier de ces aides en France jusqu'alors étaient déjà subventionnés dans leur pays d'origine, leur fournissant donc un avantage concurrentiel sur les filières européennes.

Une question reste en suspens : si monsieur Macron se présente comme le promoteur de la solidarité et de la souveraineté européenne, il reste à savoir comment la mesure sera acceptée par les autres membres de l'Union. À commencer par l'Allemagne, dont le mix énergétique reposant largement sur le charbon n'est pas exactement décarboné.